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Frachet Essais-Philo
19 janvier 2013

Gilles Deleuze et Alain Badiou

 
Gilles Deleuze et Alain Badiou

Sur Alain Baddiou, voir aussi ma fiche : Alain Badiou, La République de Platon
Sur Gilles Deleuze, voir aussi ma fiche : Gilles Deleuze et la métaphysique

 "Mon ennemi préféré" disait Alain Badiou à propos de son confrère Gilles Deleuze, avec un sourire ironique et complice. Adversaires de toujours en tout cas.

Ils se sont connus à l'université de Vincennes en 1969. Badiou reconnaît le contact particulier que Deleuze avait avec ses étudiants, "son charisme" même. S'il incarnait la 'mythologie libertaire' de mai 68, il ne se revendiquait d'aucun mouvement. Les sépare une vision différente voire opposée de l'expression de leurs idées : la rationalité, la rhétorique pour Badiou, le flou, le mouvement pour Deleuze.

Badiou Deleuze

Ce qui fait l'intérêt et le succès de Deleuze, c'est qu'il rejette l'homme conscient et libre sartrien et le structuralisme pour prôner une philosophie du désir, vecteur nécessaire de l'engagement. Seuls l'intéressent l'affirmation de la passion, 'le goût', rejeté le 'dégoût', le non désir, ce qui est négatif. En 1982, s'opère un rapprochement entre les deux hommes, non pas idéologique mais de deux hommes qui s'apprécient au-delà de leurs différences. "Je reconnais sa grandeur, écrira Badiou, et en même temps, il y avait entre nous une opposition irréductible." En 1990, Badiou fait un commentaire élogieux du livre que Deleuze avait consacré au philosophe allemand Leibniz. Une longue correspondance va suivre que malheureusement Deleuze a détruite après avoir voulu la publier.

Dix ans après la mort de Deleuze en 1995, Badiou écrit sa biographie, un livre de commande où Badiou, à sa façon franche et incisive, dit son respect de l'homme sans cacher leurs divergences. Au fond, conclura Badiou, en réponse aux critiques qui n'ont pas manqué de se manifester, "ce sont nos intuitions primordiales qui sont fondamentalement différentes".

L'apport de Deleuze a été de démarquer la philosophie des sciences humaines, de lui redonner ses lettres de noblesse à une époque où même Jacques Derrida parlait, après Heidegger, de "la fin de la métaphysique". Il a aussi permis à Badiou une ouverture d'esprit sur d'autres domaines, sur ce que dit Deleuze du cinéma français des années quarante, sur le roman américain ou Jean-Jacques Rousseau, sur un domaine aussi singulier que les espaces de Riemann en mathématiques. "Sur ces deux points, ajoute Badiou, la défense de la philosophie et la curiosité universelle, je l'ai senti fraternel."
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Alain Badiou, sa biographie de Gilles Deleuze : La clameur de l'être

C'est une histoire étrange que celle de mon non-rapport à Gilles Deleuze.
Il était mon aîné, pour d'autres raisons que l'âge. Quand j'étais élève à l'Ecole normale supérieure, il y a quarante ans, nous savions déjà qu'on pouvait écouter à la Sorbonne des cours étonnants, tant sur Hume que, par exemple, sur la Nouvelle Héloïse, des cours singulièrement hétérogènes à tout ce qui s'y récitait par ailleurs. Les cours de Deleuze. Je m'en fis passer les notes, je me fis raconter le ton, le style, l'étonnante présence corporelle qui soutenait l'invention des concepts. Mais - déjà ! - je n'y fus pas, je ne le vis pas.

Au début des années soixante, je le lisais, sans que mes tâtonnements, entre mon adolescence sartrienne et ma fréquentation d'Althusser, de Lacan, de la logique mathématique, y trouvent encore ni un appui majeur ni un adversaire identifiable. Plus singulier, plus beau, qu'utile à mes errances. Ses références canoniques (les stoïciens, Hume, Nietzsche, Bergson...) étaient à l'opposé des miennes (Platon, Hegel, Husserl). Même en mathématiques, dont je reconnaissais qu'il se souciait vivement, son goût allait au calcul différentiel, aux espaces de Riemann. Il y puisait de fortes métaphores (oui, des métaphores, je le maintiens). Je préférais l'algèbre, les ensembles. Nous nous croisions sur Spinoza, mais «son» Spinoza était pour moi (est encore) une créature méconnaissable.

Viennent les années rouges, soixante-huit, l'université de Vincennes. Pour le maoïste que je suis, Deleuze, inspirateur philosophique de ce que nous appelions les « anarcho-désirants », est un ennemi d'autant plus redoutable qu'il est intérieur au « mouvement », et que son cours est un des hauts lieux de l'université. Je n'ai jamais tempéré mes polémiques, le consensus n'est pas mon fort. Je l'attaque avec les mots de l'artillerie lourde d'alors. Je dirige même une fois une « brigade » d'intervention dans son cours. J'écris, sous le titre caractéristique « Le flux et le parti », un article furibond contre ses conceptions (ou ses supposées conceptions) du rapport entre mouvement de masse et politique. Deleuze reste impavide, presque paternel. Il parle à mon sujet de « suicide intellectuel ».

Bibliographie

 * Ouvrages importants de Gilles Deleuze :
o Différence et répétition, PUF, 1968
o L'Anti-Oedipe, Les éditions de Minuit, 1972 (avec F Guattari)
o Rhizome, Les éditions de Minuit, 1976
* Ouvrages importants d'Alain Badiou :
o Deleuze, la clameur de l'être, Hachette, 1997, réédition Fayard/Pluriel, mai 2013
o L’Être et l’Événement, éditions du Seuil, 1988
o Circonstances 4, De quoi Sarkozy est-il le nom ?, Éditions Lignes, 2007
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