Approche du philosophe Michel Onfray à travers sa vie et son œuvre, qui a publié de nombreux ouvrages dont certains ont connu le succès comme son "Traité d'athéologie" et ses cours d'histoire de la philosophie diffusés et podcastés sur France Culture.

      

1- Présentation : l'homme et son œuvre

Michel ONFRAY, né le 1er janvier 1959 à Argantan dans l'Orne, région à laquelle il est très attaché, a été enseignant à Caen de 1983 à 2002 avant de créer une Université Populaire à Caen en 2002 puis une Université Populaire du goût à Argentan en 2006.

Il a publié de nombreux ouvrages où il développe ce qu'il appelle une théorie de l’hédonisme[1] un philosophie qui part du corps, du mythologique Dionysos qu'il privilégie par rapport à Apollon. Il pose des questions sur le rôle du philosophe dans la société actuelle, les liens entre biographie et écriture, la naissance des mythologies philosophiques, ladéchristianiser "l’épistémè" occidentale  [2] ou la manière dont se fait la transmission des idées. Il s'est fait 'remarquer' en 2010 pour avoir publié chez Grasset deux ouvrages où il critique Freud avec véhémence, Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne et Apostille au Crépuscule. Pour une psychanalyse non freudienne.

Les réponses qu'il apporte sont multiformes, allant d'une certaine morale libertine et matérialiste, un "utilitarisme jubilatoire", un individualisme libertaire, un grand sens de de la sensualité et de l’esthétique, jusqu'à " l’athéologie post-chrétienne [3] et les Universités Populaires.

   
    
À l'université de Caen 

Ses œuvres l’ont conduit à la célébration des sens, y compris les moins reconnus comme l’olfactif et le goût dans  Le Ventre des philosophes en 1989 (Prix de la Fondation del Duca, Prix Chiavari), L’art de jouir en1991, Les Formes du Temps en 1996 ou La Raison Gourmandeen 1995(Prix Liberté Littéraire). Il n'en oublie pas pour autant les autres sens comme L’Oeil Nomade (1993), Métaphysique des Ruines (1995), Splendeur de la catastrophe (2002), Les icônes païennes (2003), Epiphanies de la séparation, (2004), Le chiffre de la peinture (2008) Dans ces œuvres, il traite de la peinture moderne, celle de peintres tels que Jacques Pasquier, Vladimir Vélickovic ou Ernest Pignon Ernest, de la sculpture dans La vitesse des simulacres en 2008, de la photographie dans Fixer des vertiges ( photos de Willy Ronis en 2007), la musique avec le compositeur Pascal Dusapin dans L’organe de la crainte en 2009 et de l'art contemporain en général en 2003 dans Archéologie du présent.

Ses penchants libertaires l'ont amené à préciser son approche dans La pensée de midi  [4] où il présente les idées libertaires au XX° siècle et propose ses conceptions politiques, affinent ses options politiques.dans une morale athée avec Cynismes en 1990, La Sculpture de Soi (1993, Prix Médicis) jusqu'à la théorisation de son athéisme dans Le Traité d’athéologie en 2005. Sa conception 'hédoniste' apparaît dans  des œuvres telles que Théorie du corps amoureux en 2000 qui traite du libertaire face à l'amour, Le souci des plaisirs. Construction d’un érotisme solaire en 2008 ou encore Féeries anatomiques et sa 'bioéthique' qui se veut 'postchrétienne'.

Michel Onfray a également fait œuvre de biographe pour des écrivains qu'il admire comme la biographie d'un grand spécialiste de Niezsche Physiologie de Georges Palanteen 2002, son essai sur Nietzsche, De la sagesse tragique : Essai sur le bon usage de Nietzsche (Garnier-Flammarion, 2006) et un scénario sur la vie du philosophe L’innocence du devenir, La vie de Frédéric Nietzsche en 2008. Pour rendre homme à Pierre Bourdieu, il publie en 2002 Célébration du génie colérique.

C'est aussi un voyage curieux qui a développé l'art du voyage dans une Théorie du voyage en 2006 et des récits sur ses voyages en Arctique avec Esthétique du pôle nord (2002), en Égypte avec À côté désir d’éternité, (1998) et en Inde avec Les bûchers de Bénarès (2008)

2- Hapax existentiel

    Son livre sur Albert Camus

Cette notion d'"hapax existentiel[5] ,Michel Onfray l'a empruntée au philosophe Vladimir Jankélévitch dans un sens précis qu'il définir comme l'occurrence qui ne se produit qu'une seule fois, illustration métaphorique d'événements de la vie personnelle, ce qui se traduit pour lui par une introduction biographique dans chacun de ses livre. Dans Le Ventre des philosophes, Onfray rapporte son hapax existentiel le plus important en relatant son rapport à la vie (et à la mort) après avoir failli mourir d'un infarctus à ses vingt-huit ans. C'est un moment unique qui oblige à tourner irrémédiablement la page comme par exemple la grave chute de cheval de Montaigne qui prend conscience de sa fragilité, de la contingence de toute existence humaine. [6]

Il relate aussi l'expérience du philosophe Jules Lequier qui, alors qu'il était encore enfant, fit s'envoler un petit oiseau qui s'envola et fut happé par un prédateur en chasse, ce qui impressionna Jules Lequier de manière durable et influença largement ses travaux et ses recherches sur les notions de liberté et de déterminisme. De la lecture de Lequier, prirent racine les thèmes hédonistes [7] et matérialistes de Michel Onfray.

3- L’Université Populaire de Caen

Dans le cadre de la création de l’Université Populaire de Caen en 2002, il a publié plusieurs ouvrages dont La communauté philosophique (2004) qui explicite son projet, Ce qui n’est pas donné est perdu qui maque les étapes de l’université Populaire du goût créée en 2006.

À l'université du goût

Les cours de la quinzaine d’enseignants bénévoles qui participent à cette activité ont été publiés sous le titre Contre histoire de la philosophie :
tome 1 : Les sagesses antiques ;
tome 2 : Le christianisme hédoniste
;

tome 3 : Les libertins baroques ;
tome 4 : Les Ultras des Lumières ;
tome 5 : L’eudémonisme social ;
tome 6 : Les radicalités existentielles
.


Plusieurs tommes supplémentaires sont prévus dont un tome 7 qui devrait s’intituler La construction du surhomme.

4- Michel Onfray : Manifeste hédoniste

Référence : "Manifeste hédoniste" par Michel Onfray - Éditions Autrement, 168 pages, 2011, isbn 2-474-671612-7 [8]

     À l'université populaire du goût

 Michel Onfray est d'abord connu pour son engagement comme fondateur de l'Université populaire de Caen puis de celle du goût à Argentan, il est aussi connu pour ses cours de "contre-histoire de la philosophie", régulièrement diffusés sur France Culture. Pour lui, la philosophie hédoniste est un concept global englobant aussi bien l'éthique, l'érotique, l'esthétique que le politique. Elle doit tendre à ce que chacun trouve sa place dans ce monde pour pouvoir réussir sa vie. Pour concrétiser ce qu'est pou lui l'hédonisme, il convoque quelques-uns de ceux qu'il aime et qui représentent à leur façon un aspect, ne facette de sa réponse.

   Onfray l'iconoclaste

Michel Onfray a choisi ce biais pour parler aussi de lui-même et de sa conception de la vie. Démarche originale que de parler de ses amis pour parler de soi. Chez Onfray, il y a l'homme public, le philosophe, censeur des plateaux de télévision qui s'avoue même 'psycho rigide' d'un air narquois. Il y a aussi l'homme privé, beaucoup plus décontracté selon ses amis, tel que le présente par exemple Guy Bedos dans son livre "Plans rapprochés", il porterait en lui "le rire, l'espièglerie et la fraîcheur d'un gamin ". Le philosophe dans sa présentation n'en rappelle pas moins les thèmes qui lui tiennent à cœur : Contre Platon et pour Démocrite, l'éthique post chrétienne [9] et le capitalisme libertaire.

Guy Bedos le saltimbanque : Bedos lui fait irrésistiblement pensé à Diogène parce que lui aussi faisait du rire un moyen philosophique pour déconstruire le monde. "C'est un homme libre donc rare dit-il. Sa mélancolie me touche, sa colère me rait, sa fidélité me comble".

Titouan Lamazou le complice en 'paillardises : Ce qui lui plaît chez Lamazou, c'est son anticonformisme, artiste-peintre franc tireur menant son petit bonhomme de chemin sans se soucier de l'opinion des autres.

Jean Héritier le gastronome : Le gastronome qu'est Michel Onfray ne pouvait rester sensible à cet homme, il est naturellement sur le même longueur d'onde que ce 'révolutionnaire du goût' et ce d'autant plus qu'il incarne la résistance à la mondialisation libérale.

Gérard Garouste peintre militant : L'un des plus grands peintres de sa génération selon Michel Onfray, qui sait traduire le réel à travers sa propre vision. De plus, il a aussi créé, comme Michel Onfray chez lui dans l'Orne, un lieu artistique dédié aux enfants. [10]

Jean-Paul Enthoven son antipode : Il le considère quelque part comme son contraire cet homme qui baigne dans la littérature, qui vit pour les livres; des contraires qui ne rejoignent cependant et sont "l'un pour l'autre un spectacle".

La chanteuse Juliette une tornade : Sa pétulance et son naturel l'ont enchanté, un jour qu'elle était venue chanter dans son coin de Normandie. Son ironie mordante a complété le tableau un autre jour à Argentan. Il a adoré sa vitalité dans ce monde de la chanson "où l'anémie semble aujourd'hui la vertu cardinale".

Références
  1. Voir son anthologie des textes de la philosophie hédoniste" Génie de l’hédonisme"
  2. Epistémè : ensemble des connaissances rendant possible les différentes formes de science propre à un groupe social à une époque donnée. Voir l'ouvrage de Michel Foucault "Les Mots et les Choses, une archéologie des sciences humaines, Gallimard, 1966.
  3. Voir son ouvrage de référence Le Traité d’athéologie publié en 2005
  4. Expression chère à Albert Camus. Voir par exemple l'ouvrage : Jacques Chabot, Albert Camus, la pensée de midi, Éditions Édisud, Centre des écrivains du sud, 2002, (ISBN 2-7449-0376-0) et ma présentation :
    La pensée de midi
  5. En science du langage, un hapax désigne normalement un mot qui n'a qu'une seule occurrence en littérature.
  6. Voir pour la transcription de cette expérience : Montaigne, Essais, Livre II, chap. 6.
  7. On peut définir succintement l'hédonisme (du grec ancien : ἡδονή / hēdonḗ, « plaisir » et du suffixe -ισμός / -ismós) comme la tendance à la recherche du plaisir et l'évitement du déplaisir.
  8. Michel Onfray a déjà écrit un livre sur ce thème en 1991 : "L’Art de jouir. Pour un matérialisme hédoniste", éditions Grasset, isbn 978-2-246-45301-7
  9. Voir son "Traité d’athéologie", Physique de la métaphysique, éditions Grasset, 2005, isbn 978-2-246-64801-7
  10. Voir sa préface à la biographie de Gérard Garouste écrite par Julie Rouart, éditions Skira, 2009, isbn 2081225948
  11. Jean Grenier, ancien professeur de philosophie de Camus au lycée d'Alger et que ce dernier considérait comme son maître. Voir aussi l'ouvrage biographique que Jean Grenier a consacré à Albert Camus.

* Voir aussi mon site consacré à Michel Onfray --

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